mardi 2 février 2016

Carnet de route #7 : l'atelier 1 vu par Dominique Unternehr

Dominique Unternenhr, coordinateur du projet Hic & Nunc et intervenant de l'atelier théâtre se prête au jeu des questions-réponses sur les premiers mois de l'atelier numéro 1.



- Comment s'est formé le premier atelier du mercredi, de 16h30 à 18h ?

Le premier atelier a lieu à cet horaire pour permettre aux personnes âgées résidentes d’accéder à cette pratique dans un temps normalement dévolu aux animations.

La fréquentation de cet atelier, donc presque exclusivement composé de résidents de l’EHPAD, a fluctué sans réellement évoluer sur le nombre. Le groupe est à présent constitué de cinq personnes régulières : trois résidentes, une personne âgée venue du dehors et un jeune employé au titre du service civique.

Il arrive qu’une animatrice ou un(e) stagiaire se joigne au groupe pour le plaisir d’une ambiance à la fois souriante et active (les visiteurs sont acceptés à la condition que cela ne dérange pas les participants réguliers et que les visiteurs participent, ce qui se fait sans difficulté, les règles du jeu étant ludiques et simples).




- En quoi consiste les séances ? Quels "exercices" sont mis en place?

Quelques premières tentatives ont consisté à faire des tours de paroles sur des thématiques, à recueillir par écrit les témoignages et anecdotes pour en tirer des situations écrites. Mais il est vite apparu que les personnes participantes dans leur majorité avaient un rapport conflictuel à l’écrit. 

Cette piste a donc été abandonnée au profit de saynètes improvisées présentant des personnes âgées dans des situations plausibles et fantaisistes, souvent très drôles, mais faisant aussi apparaître des problématiques prégnantes chez les personnes du troisième âge, comme la paupérisation, le fossé des générations, les conflits internes, les rapports compliqués avec la famille, l’essentialisation des comportements.

Un grand nombre d’improvisations ont ainsi été mises au point, qui ont été autant d’occasions de créer des personnages « à côté » de ce que sont les personnes qui les interprètent.

Pour canaliser et développer le flux verbal, il a été décidé de bannir du vocabulaire toute forme de négations, celles-ci fermant la porte à plus d’écriture. On s’aperçoit alors que le joueur, ne pouvant purement et simplement s’opposer par une négation, se voit dans l’obligation (fictive) d’argumenter. Cette règle du jeu avalisée, les participantes ont développé une intelligence du texte tout à fait créative et maline, non dénuée d’humour.

- Quels "obstacles" rencontrez-vous avec des participants qui, pour la plupart, n'ont jamais fait de théâtre de leur vie?

Il a fallu expliquer en quoi la fiction théâtrale suppose que je suis réellement ici, à l’EHPAD, mais que je suis aussi dans un espace fictif où se déroule l’action. Nous ne sommes pas partis trop loin de l’EHPAD, en situant nos actions dans la chambre occupée par tel personnage, au restaurant, à la pharmacie, dans le tramway, espaces du quotidien dont les participants connaissent les proportions et conditions d’accès, mais aussi espaces de tous les possibles si insolites soient-ils.

Il faut préalablement faire comprendre en action ce qu’est ce personnage qui est moi en apparence mais n’est pas moi dans ses actions et réactions, même si j’en maîtrise le cours parce que je suis acteur et peux choisir toutes les orientations qu’autorise l’improvisation. 

-  Justement, quels personnages ont été créés ? 

Une vieille dame reçoit la visite de sa petite fille, laquelle lui réclame un scooter pour les fêtes de Noël. Cela n’étant pas dans les possibilités financières de l’aïeule, cette dernière met tout en œuvre pour satisfaire sa descendance, quitte à sortir de la légalité (cas observé au Japon, ce que raconte la pièce Toboggan de Gildas Milin).

Autre personnage : au sortir d’un loto, une personne âgée essaie à toute force de troquer un cabas qui lui fait double emploi contre une paire de boucles d’oreilles qui constituait le gros lot.

Enfin une dame âgée négocie son installation chez ses petits-enfants, bien qu’elle trouve son futur gendre insupportable de vulgarité.

Sur une tonalité comique (et les participantes éprouvent un plaisir flagrant à se projeter dans ces situations conflictuelles et insolites), nous tâchons de faire saillir des thématiques qui font ensuite l’objet de discussions, en fin de séances. Les participantes réalisent combien la forme est au service du fond.

- Quel bilan tirez-vous de ce premier trimestre ?

Une seule des personnes participantes avait eu l’occasion de faire du théâtre en amateur durant sa vie. C’est donc une première pour la plupart, et à ce titre, les aptitudes à s’approprier les quelques règles du jeu sont proprement étonnantes. 

La créativité constatée (verbale avant tout, évidemment) est considérable, et l’on s’aperçoit qu’on peut, à chaque séance, hisser la barre un peu plus haut.

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