Dominique Unternenhr, coordinateur du projet Hic & Nunc et intervenant de l'atelier théâtre se prête au jeu des questions-réponses sur les premiers mois de l'atelier numéro 1.
- Comment s'est formé le premier atelier du mercredi, de 16h30 à 18h ?
Le premier atelier a lieu à cet horaire pour permettre aux personnes âgées résidentes d’accéder à cette
pratique dans un temps normalement dévolu aux animations.
La fréquentation de cet atelier, donc
presque exclusivement composé de résidents de l’EHPAD, a fluctué sans
réellement évoluer sur le nombre. Le groupe est à présent constitué de cinq
personnes régulières : trois résidentes, une personne âgée venue du dehors
et un jeune employé au titre du service civique.
Il arrive qu’une animatrice ou
un(e) stagiaire se joigne au groupe pour le plaisir d’une ambiance à la fois
souriante et active (les visiteurs sont acceptés à la condition que cela ne
dérange pas les participants réguliers et que les visiteurs participent, ce qui
se fait sans difficulté, les règles du jeu étant ludiques et simples).
- En quoi consiste les séances ? Quels "exercices" sont mis en place?
Quelques premières tentatives ont
consisté à faire des tours de paroles sur des thématiques, à recueillir par
écrit les témoignages et anecdotes pour en tirer des situations écrites. Mais
il est vite apparu que les personnes participantes dans leur majorité avaient
un rapport conflictuel à l’écrit.
Cette piste a donc été abandonnée au profit
de saynètes improvisées présentant des personnes âgées dans des situations
plausibles et fantaisistes, souvent très drôles, mais faisant aussi apparaître
des problématiques prégnantes chez les personnes du troisième âge, comme la
paupérisation, le fossé des générations, les conflits internes, les rapports
compliqués avec la famille, l’essentialisation des comportements.
Un grand nombre d’improvisations ont
ainsi été mises au point, qui ont été autant d’occasions de créer des personnages
« à côté » de ce que sont les personnes qui les interprètent.
Pour canaliser et développer le flux
verbal, il a été décidé de bannir du vocabulaire toute forme de négations,
celles-ci fermant la porte à plus d’écriture. On s’aperçoit alors que le
joueur, ne pouvant purement et simplement s’opposer par une négation, se voit
dans l’obligation (fictive) d’argumenter. Cette règle du jeu avalisée, les
participantes ont développé une intelligence du texte tout à fait créative et
maline, non dénuée d’humour.
- Quels "obstacles" rencontrez-vous avec des participants qui, pour la plupart, n'ont jamais fait de théâtre de leur vie?
Il a fallu expliquer en quoi
la fiction théâtrale suppose que je suis réellement ici, à l’EHPAD, mais que je
suis aussi dans un espace fictif où se déroule l’action. Nous ne sommes pas
partis trop loin de l’EHPAD, en situant nos actions dans la chambre occupée par
tel personnage, au restaurant, à la pharmacie, dans le tramway, espaces du
quotidien dont les participants connaissent les proportions et conditions
d’accès, mais aussi espaces de tous les possibles si insolites soient-ils.
Il faut préalablement faire comprendre en action ce qu’est ce personnage
qui est moi en apparence mais n’est pas moi dans ses actions et réactions, même
si j’en maîtrise le cours parce que je suis acteur et peux choisir toutes les
orientations qu’autorise l’improvisation.
- Justement, quels personnages ont été créés ?
Une vieille dame
reçoit la visite de sa petite fille, laquelle lui réclame un scooter pour les
fêtes de Noël. Cela n’étant pas dans les possibilités financières de l’aïeule,
cette dernière met tout en œuvre pour satisfaire sa descendance, quitte à
sortir de la légalité (cas observé au Japon, ce que raconte la pièce Toboggan de Gildas Milin).
Autre personnage : au sortir d’un loto, une personne âgée essaie à toute force de troquer un
cabas qui lui fait double emploi contre une paire de boucles d’oreilles qui
constituait le gros lot.
Enfin une dame âgée négocie son
installation chez ses petits-enfants, bien qu’elle trouve son futur gendre
insupportable de vulgarité.
Sur une tonalité comique (et les
participantes éprouvent un plaisir flagrant à se projeter dans ces situations
conflictuelles et insolites), nous tâchons de faire saillir des thématiques qui
font ensuite l’objet de discussions, en fin de séances. Les participantes
réalisent combien la forme est au service du fond.
- Quel bilan tirez-vous de ce premier trimestre ?
Une seule des personnes
participantes avait eu l’occasion de faire du théâtre en amateur durant sa vie.
C’est donc une première pour la plupart, et à ce titre, les aptitudes à
s’approprier les quelques règles du jeu sont proprement étonnantes.
La
créativité constatée (verbale avant tout, évidemment) est considérable, et l’on
s’aperçoit qu’on peut, à chaque séance, hisser la barre un peu plus haut.
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